Columa 2019 : les pistes d’avenir

«Nous sommes à un tournant des orientations », estimait Céline Denieul, présidente de la commission Columa de Végéphyl, en conclusion des 24^es journées sur la lutte contre les mauvaises herbes, début décembre à Orléans. En effet, la réduction de l’IFT herbicide et la sortie du glyphosate se révèlent complexes. Des travaux conduits sur les systèmes économes en herbicides livrent déjà plusieurs indicateurs, pas forcément positifs. « En utilisant des leviers alternatifs pour réduire l’IFT herbicide, on obtiendrait dans dix ans une marge nette inférieure aux systèmes actuels, avec des revenus souvent en dessous de la barre acceptable », estime Lise Vizioz, d’Arvalis. D’autre part, le risque d’aboutir à une impasse technique pour des systèmes à rotation courte n’est pas exclu. La comparaison de différents systèmes, pendant neuf ans dans le Lauragais, a permis de juger des solutions sur le long terme et de confirmer les acquis. « En situation d’échec de désherbage sur des ray-grass, le labour réintroduit dans la rotation permet un retour à la normale. De même, la diversification de la rotation contribue à réguler les populations d’adventices, estime Jean-Luc Verdier d’Arvalis. Le décalage de semis du blé d’hiver de 15-20 jours offre un autre levier, mais il entraîne une prise de risque. »

Intelligence artificielle

Sur les cultures de printemps, le binage semble performant, et en complément, le désherbage localisé sur la ligne de semis permettrait de réduire l’IFT herbicide tout en maîtrisant bien la flore. D’autres perspectives ont été évoquées. Dans les années à venir, l’intelligence artificielle permettra d’identifier les espèces d’adventices par des capteurs et de les traiter de façon ciblée. Plusieurs instituts et sociétés sont impliqués dans ces projets : Terres Inovia sur le colza et Syngenta Agro sur le maïs avec Proximaïs iTech. Des OAD devraient aussi arriver pour mieux régler la pulvérisation ou la localiser.

Lors de la session Innovation du Columa, plusieurs nouveaux herbicides grandes cultures ont été décrits. L’un des plus attendus sera la bixlozone de FMC (lire ci-contre), qui apporte un nouveau mode d’action antigraminées dans les cultures céréalières. Le lancement est programmé à partir de 2023, il faudra donc patienter un peu.

Des innovations dès 2021

D’ici deux ans, le tournesol devrait aussi bénéficier d’un herbicide déjà autorisé sur colza : Arylex actif (halauxyfène-méthyle) de Corteva. Son spectre antidicots permet de lutter contre l’ambroisie, adventice très allergisante, et de nombreuses autres espèces : chénopode, ammi, amarante, xanthium… « Il est efficace à faible dose dans toutes les conditions météo, avec une faible toxicité. Et il n’a pas d’impact sur le rendement du tournesol, ni sur sa teneur en huile », affirme Marisa Salsa, de Corteva.

Le marché va aussi intégrer deux herbicides riz, sur lequel les solutions se raréfient. Le benzobicyclon de Gowan, fabriqué par SDS Biotech et déjà commercialisé en Asie, est destiné aux cultures de riz irrigué. « En effet, cette molécule n’est utilisable qu’en milieu aquatique. Il s’agit d’un nouveau mode d’action très sélectif », note Laurent Cornette, de Gowan. Les essais en Europe la testent à plusieurs stades, la prélevée sera sans doute retenue. « Le produit sera lancé dans 5-6 ans », conclut-il. De son côté, Corteva teste le florpyrauxifène-benzyle (Rinksor TM) à appliquer du stade 2 feuilles au gonflement du riz. « Cet herbicide systémique agit en épuisant la plante et gère la totalité des adventices des rizières. Il se montre très peu mobile et détient une bonne sélectivité », déclare Guillaume Flandin, de Corteva. Rinksor pourrait être lancé dès 2021 en France. Ces deux nouveautés vont permettre de contrôler les adventices résistantes aux inhibiteurs de l’ALS et ACCase dans le riz, une bonne nouvelle !

Anne-Marie Laville